Dans un monde où prônaient les problèmes de grandes personnes, par un soir de printemps, dans une maison tout à fait banale, une petite fille regarda le ciel à travers sa fenêtre. Confinée depuis quelques jours, à cause d’un autre de ces problèmes de grandes personnes, elle s’ennuyait, et la compagnie de ses jouets ne la rassasiait plus. Ce soir-là, elle était privée de dessert parce que, selon les dires de ses parents, elle ne s’était pas comporté comme une fille modèle. Plus tôt, dans la matinée, une tata venue de loin était venue rendre visite à la maison banale et avait apporté un cadeau à la petite fille, une brosse grise pour ses poupées. La petite fille ne manqua pas de dire ce qu’elle pensait, la brosse grise n’était pas un beau cadeau car le gris était une couleur triste, il ne pouvait donc être utilisé pour le brossage des cheveux. La petite fille ne voulut pas s’excuser pour avoir dit la vérité et passa la journée à faire la mauvaise tête. Maintenant, elle ne savait plus pourquoi on la punissait, était-ce pour avoir dit la vérité, pour avoir refusé de s’excuser, pour avoir fait la mauvaise tête ou un peu de tout à la fois ? La petite fille n’aimait pas les desserts de toute façon, elle préférait les entrées, mais ne supportait pas l’idée d’être punie. Elle considérait sérieusement la possibilité de mentir à l’avenir pour éviter cette situation, mais se rappela d’autres fois où elle était punie pour avoir raconté des mensonges. De toute évidence, les grandes personnes enseignaient beaucoup de choses contradictoires que la lucidité des enfants ne pouvait assimiler.
Le cœur lourd, la petite fille songeait à tous ses tourments quand soudain elle entendit quelqu’un pleurer derrière elle, dans sa chambre ! Il s’agissait d’un petit garçon extraordinaire avec des cheveux dorés en boucles. Son visage lui était familier, elle savait qui il était.
- Dessine-moi un mouton ! ordonna-t-il.
- Pourquoi veux-tu un autre mouton ?
- Je ne veux pas un autre mouton, je veux que tu me dessines un mouton !
La petite fille, connaissant l’astuce, s’empressa de dessiner une sorte de caisse, une muselière et même une courroie de cuir ! Mais avant de passer le papier au petit prince, elle demanda sur un ton décidé :
- Qu’est-il arrivé à ton mouton ?
- Je l’ai égaré.
La petite fille décela une grande amertume dans son ton. Tentant de le réconforter, elle dit, en lui tendant le papier :
- Ce mouton ne remplacera jamais le premier, mais tu apprendras à l’aimer, il est très gentil et a une tache noire sur l’épaule gauche. Il est, au chaud, dans sa petite caisse.
- Je l’aime déjà !
Le petit prince semblait curieux et intéressé par tout ce que ses yeux pouvaient voir. Il prenait des objets à sa guise, les inspectait et les remettait à leurs places. Le visage grave, sans prévenir, il regarda la petite fille dans les yeux.
- Tu es belle mais tu ne ressembles en rien à ma petite fleur ! dit-il.
- Pourquoi t’appelles-tu le petit prince ?
- Tous les garçons sont des petits princes aux yeux de ceux qui les aiment !
- Et les filles alors ?
- Les filles aussi je dirais.
- Je suis alors la petite princesse !
Le petit prince se laissa distraire de nouveau par les constituants de la chambre. La petite princesse, de son côté mourrait d’envie de partager ce qui la tourmentait.
- Les grandes personnes ne comprennent pas les choses importantes, comme par exemple le fait que les couleurs ont des émotions et on ne peut pas utiliser des objets tristes pour des actions joyeuses. Comment fais-tu pour te réconcilier avec ta famille ? demanda-t-elle.
- Nous ne sommes pas nombreux sur mon astéroïde et nous ne pouvons pas aller bien loin. Après une dispute, on oublie et on se met à rire.
- Sur ma planète on fait beaucoup la guerre, on ne parle que de ça dans les infos.
- Pourquoi faites-vous la guerre ?
- Papa me dit que quand deux personnes pas très malines ont des croyances différentes, elles se font la guerre.
- Ça ne résout pas grand-chose ! Le but n’est-il pas de vivre heureux tous ensemble ?
- Les problèmes de grandes personnes sont débiles.
- Les grandes personnes sont débiles.
- Je ne dirais pas ça, elles sont très intelligentes, elles m’aident par exemple à résoudre mes problèmes de mathématiques. Mais des fois elles refusent de se servir de leurs têtes. Je pense que les grandes personnes sont douées pour résoudre les problèmes des enfants, et les enfants sont doués pour résoudre les problèmes des grandes personnes, mais elles refusent d’écouter !
- Il me faut aller maintenant. Peux-tu te retourner, comme tout à l’heure, vers la fenêtre ? Je ne peux pas partir quand tu me vois, j’aurais l’air triste mais il n’en ait rien ! Mes yeux s’humidifient à cause de la poussière dans ta chambre.
La petite princesse ne voulait pas non plus qu’il l’ait vu triste. Elle se rappela un dernier détail.
- Un vieil ami, le pilote, voudrait savoir si la petite fleur va bien.
Le petit prince, affichant son plus beau sourire, hocha la tête et la petite princesse se retourna regarder le ciel.
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